Tiphaine Beguinot est entrepreneure. Elle est à la tête de Popote, une marque de produits bio pour bébé. Son but ? Aider toutes les mamans à concilier leur vie professionnelle et privée et surtout les aider à déculpabiliser dans leur parentalité. Nous lui avons posé quelques questions pour vous !
Bonjour Tiphaine, tu es donc la CEO de Popote, une marque de produits bio pour bébés, destinées à toutes ces mamans occupées, qui jonglent entre leur vie professionnelle et leur rôle maternel. Peux-tu te présenter et nous en dire un peu plus sur ton parcours ?
Je suis Tiphaine Beguinot, j’ai 35 ans. Je suis Directrice Générale de Popote. J’ai deux enfants, Romane, 7 ans et Achille, 1 an et demi.
Toute petite, j’avais envie d’être vétérinaire. J’ai donc fait 2 ans de prépa et ai passé le concours. Mais j’avais besoin de mettre plus d'humain dans ma vie. Je me suis donc lancée en médecine! Mais j’ai loupé deux fois le concours d’entrée en 2e année, il fallait donc que j’arrête.
J’ai tout remis à plat et me suis demandée ce que je voulais faire concrètement de ma vie et il s’avère que la communication était assez importante pour moi. J’ai donc étudié à l’Iscom pendant 4 ans avec une spécialisation en digital. Puis une année à l’ESCP en stratégie et conseil.
En parallèle de l’Iscom, j’ai commencé à avoir des projets entrepreneuriaux : je faisais de la stratégie digitale en auto-entrepreneur. Puis j’ai monté mon 1er vrai projet entrepreneurial : Keed, un réseau social familial. C’est là que j'ai connu mes premiers déboires de vie d’entrepreneure ! Car c’est long de sortir un projet, ça coûte de l’argent, tu ne gagnes rien, tu es en décalage avec le projet initial et ce qui se passe dans la réalité. Avec mon associé, on a fait évoluer le projet plusieurs fois : d’un réseau social, on est passé à un e-commerce de jouets porteurs de valeurs environnementales, sociétales, éducatives.
C’est à ce moment que mon père me parle d’un projet en train de se développer en interne dans son entreprise. Avec le besoin d’amener un peu de compétences digitales, ce que j’avais donc appris dans mes études et par mes projets. L’occasion pour moi de rentrer dans la boîte familiale... J’ai accepté le challenge, sachant que fin 2017, j’étais la seule dans l’entreprise à savoir de quoi on parlait quand on parlait de e-commerce et de digital !
Popote c’est donc une histoire de famille. Mes parents, et mon père notamment, ont créé leur entreprise en 1992-1993. Ils se sont rapidement spécialisés dans le lait de consommation puis dans l’alimentation pour bébé. J’ai donc vraiment grandi avec et dans l’entreprise !
Comment perçois-tu le fait d’être à la fois une femme et entrepreneure ?
Au vu de mon histoire, entreprendre a toujours été plutôt normal et accessible pour moi. Et le fait d’être une femme n’a jamais été un élément bloquant car il y a toujours eu des femmes à des postes-clé dans mon entourage. J’ai eu cette chance de grandir avec des repères qui ne me fermaient pas de portes! Pourtant j’ai toujours dit que je ferais tout sauf de l’agroalimentaire ! (rires)
Tu es maman de deux enfants. Comment s’est passée leur arrivée en tant que CEO ?
Ça a été un peu différent pour les deux. Pour la 1ère, j’étais en plein projet mais n’était pas encore sorti, tandis que pour le 2e, il était sorti et avec une équipe en plus ! Entre les deux, j’ai aussi changé, grandi et considéré la parentalité différemment.
Pour la 1ère, ça a été le gros bazar dans ma vie avec tous ces trucs imprévus à gérer tout le temps ! J’essayais d’être présente mais quand je la récupérais à la crèche c’était toujours la dernière ! Je la couchais tard et je culpabilisais. Malgré tout ça, le fait de travailler dans le domaine de la parentalité a été une aide, je ne partais pas totalement de zéro.
Pour Achille, ça a été différent. Je savais déjà ce qui allait arriver. Du coup, j’ai pris plus de temps pour moi avant sa naissance. J’allais faire des séances de sophrologie par exemple pour préparer son arrivée.
J’ai pu aussi préparer les équipes en amont. Il savaient que j’allais être moins présente à un moment donné. Ils pouvaient s’autogérer, même si bien sûr, ils étaient autorisés à m’alerter sur un sujet si nécessaire. Mais pour moi, ce n’est pas difficile de déléguer. J’ai toujours eu confiance dans les équipes car je pense que tu apprends en faisant, y compris des bêtises parfois.
Après je n’ai vraiment jamais totalement coupé. Je me suis arrêtée environ 3 semaines avant le terme car j’ai senti que c’était le moment, que les sujets étaient sur de bons rails. Et je voulais m'arrêter afin de profiter.
Pour le post partum, j’ai décidé que je ne ferais rien ! Enfin... J’avais tout de même une visioconférence par jour. Mais ce n’était pas du travail productif, juste des échanges avec mon équipe, mon objectif étant de ne jamais les bloquer.
Pour résumer, quand tu es entrepreneure, le congé maternité, tu l’inventes ! Comment s’est passé ton retour au boulot après ton congé maternité ?
Le retour s’est fait progressivement. Achille étant né fin mai, j’ai délocalisé le travail pendant l’été. Je suis partie avec mes enfants tout en reprenant au fur et à mesure. Je suis passée d’une visio tous les deux jours à une tous les jours, puis deux, puis trois. Au final je faisais une demi-journée... Et j’ai recommencé à avoir des moments un peu plus productifs. C’était au moment où nous lancions notre lait infantile, je n’avais pas le choix, les enjeux étaient trop gros pour abandonner le projet. Ça s'est fait progressivement jusqu'à mon retour fin août où j’ai fait l’adaptation à la crèche en même temps. Puis j’étais vraiment de retour en septembre.
Comment t’es-tu sentie avec cette reprise ?
Ça a fait du bien à tout le monde ! On avait besoin de se revoir physiquement avec mon équipe car ils avaient besoin de retrouver un cap, une dynamique. Même si je me suis demandée à moment donné, pourquoi je faisais ça. Car déposer son enfant à la crèche et aller travailler pour payer des gens qui le gardent... Ça n'a absolument aucun sens !
Allaitais-tu pour la reprise du boulot ? Que penses-tu de cette question de l’allaitement et du travail ?
J’ai beaucoup cheminé entre mes deux enfants. Alors que je n’ai pas du tout allaité Romane, j’ai allaité Achille jusqu'à ses 1 an stricto. A un an et un jour, j’ai introduit un biberon ! (rires) C’était le bon moment.
Je me suis dit que travailler ne devrait pas être un frein à ça. Donc j’ai commencé à tirer mon lait au bureau. Je me suis retrouvée à être très mal à l’aise la première fois où j’ai traversé le bureau avec mon tire-lait. Mais quand j’ai senti ce malaise, je me suis dit que j’allais continuer à allaiter au bureau et que surtout ça allait devenir mon sujet ! J’avais besoin de normaliser le fait de tirer mon lait, de le mettre dans le frigo commun ou de faire sécher le tire-lait sur l’égouttoir ! Il m’est arrivé aussi parfois de tirer mon lait en réunion. Je ne l’ai pas fait devant tout le monde, car je ne voulais pas mettre mal à l’aise les gens non plus ! Ensuite on a changé de bureau, et là c’est devenu plus compliqué car on n’était plus tout seuls. Si même pour moi c’était compliqué en tant que CEO, je ne pouvais imaginer pour les autres...
Cette période résonnait bien avec le projet de lait infantile qu’on sortait à ce moment. Car notre constat, c’est que le sujet du lait des bébés, c’est très anxiogène, plein d’injonctions et incompréhensible pour tout le monde. Et paradoxalement, le fait d’allaiter semble aussi compliqué. On te demande d’allaiter mais pas trop longtemps, pas devant les gens etc. On s’est donc demandé si on pouvait apporter quelque chose en plus au niveau de l'accompagnement dans le choix des mères, de ramener de la confiance et revaloriser l’allaitement. Ca peut sembler étrange de produire un lait infantile alors que tu soutiens l’allaitement... Mais en fait, il existe des femmes qui allaitent un peu et qui donnent aussi le biberon, les deux sont liés! Et ce n’est pas en opposant le lait infantile d’un côté et l’allaitement de l’autre, qu’on aidera à faire des passerelles entre les deux.
Aujourd’hui, comment réussis-tu à concilier ta vie de maman avec ta vie de cheffe d'entreprise ?
Une de mes plus grandes chances est d’être entourée ! A partir du moment où ma fille est allée à l’école, elle a eu une nounou le soir pour la récupérer. Ma vie a beaucoup changé à ce moment-là. Je rentrais à la maison, elle avait mangé, elle était douchée. Donc même si je rentrais tard, on passait un moment de qualité, alors qu’avant c’était la course !
Le fait d’être son propre patron, ça a plein d’avantages. Ça permet de gérer son temps comme on veut. Mais c’est assez fourbe ! Car il n’y a plus vraiment de barrières entre le rôle de maman et d'entrepreneure. Parfois, je bossais la nuit car c’était le moment où elle dormait et où j'avais des plages plus longues. Mais c’est épuisant !
Donc être entourée par des gens de confiance m’a fait beaucoup de bien. J’ai pu déléguer certains aspects logistiques un peu lourds et pesants parfois.
Avec mes équipes, ça s’est bien passé car je communique beaucoup. Je leur donne toujours le cap et les moyens d’avancer, quel que soit mon emploi du temps ou mes galères personnelles.
Quels sont les conseils que tu donnerais aux mamans comme toi qui se lancent dans l'entrepreneuriat ? Ou bien l’inverse aux entrepreneuses qui attendent un heureux évènement ?
Pour moi ce n’est pas la même chose. Si tu es maman et que tu te lances dans l'entrepreneuriat, ça signifie probablement que c’est une reconversion professionnelle, avec un besoin de redonner du sens à ta vie. Je dirais que tout dépend des besoins de chacune. Chacune doit définir et écouter ses besoins. Par exemple, moi j’ai besoin d’être là quand mon fils se couche. Sinon j’ai l’impression de ne pas être présent et c’est oppressant pour moi. Pour d’autres ce sera différent.
Quand tu es déjà maman, tu as déjà le cadre, tu sais déjà autour de quoi broder et comment construire ton activité. C’est plein de rebondissements bien sûr, et ce n’est pas facile car ça demande beaucoup d'énergie. Mais ce n’est pas infaisable. Il faut juste savoir où tu as envie d’emmener ta boîte.
A l’inverse, quand tu es entrepreneure affirmée et que tu deviens maman, ça peut être le chaos. Certaines le font très bien et intègrent leur enfant à leur vie d'entrepreneure, avec une nounou au bureau par exemple et un endroit dédié pour s’en occuper ou pour l’allaiter. Mais il faut réussir à trouver le fonctionnement avec les équipes pour qu’il n'aient pas le sentiment d’être lésés par l’arrivée de l’enfant. Il faut juste s'adapter au début pour que l’entreprise continue de tourner, tout en gardant à l’esprit que c’est temporaire. Les galères du début ne durent pas éternellement! Communication et organisation sont les mots d'ordre pour accompagner au mieux cette période.
Une astuce feel good à partager ? Que fais-tu pour te détendre après une journée intense de boulot ?
Je vais courir ! Et c’est trop bien ! Il n'y a personne qui m’embête ! Pas de notifications slack, pas d’enfant malade... RIEN ! J’ai mes baskets, mon bitume et moi ! La vue de Paris, la musique dans les oreilles, et je reviens à la maison pleine d’endorphines ! C’est mon moment à moi où je suis juste moi avec moi. Se trouver un temps, où on n’est pas “la fille de”, “la femme de”, “la patronne de”... Juste de toi à toi, c’est déjà pas mal !